Quand la mobilité rencontre la neutralité carbone : 4 scénarios pour 2050

Les transports sont le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre en France, à hauteur de 30 %, loin devant les autres secteurs très émetteurs comme l’industrie, l’agriculture et le bâtiment qui se situent entre 18 et 20 %. Alors, comment les faire évoluer pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ? Le travail prospectif Transition(s) 2050 mené par l’ADEME dessine 4 scénarios types.


Scénario 1 – En route vers la sobriété

Une formule résume très bien ce scénario : « Moins, c’est mieux ! ». Dans cette logique, le nombre de kilomètres parcourus par les Français baisse fortement du fait de l’évolution des modes de vie qui tendent vers une proximité plus importante et donc une « démobilité » ainsi qu’un ralentissement. Les modes actifs (marche, vélo, etc.) sont donc favorisés, tandis que la voiture en usage individuel et le recours au transport aérien sont en fort retrait en raison d’évolutions réglementaires et fiscales. Les voitures s’électrifient, deviennent plus légères, et leurs vitesses de circulation baissent, tandis que le covoiturage solidaire et l’autostop se développent dans les zones rurales.

-26 % de kilomètres

au total parcourus et –55 % de trajets en voiture.

Levier le plus sollicité : la modération de la demande de transport.

Scénario 2 – Des transports oui, mais toujours plus durables

Ici, la demande de mobilité diminue de 10 % en kilomètres, reflétant une tendance à des interactions et un mode de vie orientés vers une proximité plus importante au quotidien ; un tourisme plus local et durable se développe, entraînant une moindre demande de longs transports. Le report modal (passer d’un transport routier à un autre mode de transport moins émetteur) est poussé par des investissements importants et on voit se développer des véhicules intermédiaires entre le vélo et la voiture (vélos cargos, pliants, vélomobiles, minivoitures…), le partage des véhicules sous ses différentes formes (covoiturage, autopartage, flottes en free floating, etc.) et une forte électrification. Cette transition s’opère en coconstruction avec les acteurs de la mobilité et les citoyens, très près de leurs besoins et des spécificités des territoires.

2 fois plus de trajets

effectués en train (20 % de part modale) et 12 fois plus de kilomètres parcourus à vélo.

Levier le plus sollicité : le report modal.

Scénario 3 : Place aux technologies de décarbonation

La demande de transport voyageurs continue ici à être accompagnée par l’État et les collectivités à l’échelle régionale et territoriale en investissant dans les infrastructures, en appliquant des niveaux de fiscalité plus ou moins avantageux selon les modes de transport et en soutenant l’offre de transport en commun ou les politiques cyclables. Le nombre de kilomètres parcourus est en hausse, et le report modal est modéré et concentré dans les grandes villes et sur les lignes ferroviaires à grande vitesse. Les principaux efforts portent sur l’accélération de la décarbonation des flottes et de l’énergie.

+23 % de kilomètres

de kilomètres au total parcourus, –70 % de consommation des véhicules grâce à l’électrification, et énergie à 87 % décarbonée.

Leviers les plus sollicités : l’efficacité énergétique de véhicules et l’intensité carbone de l’énergie.

Scénario 4 : des moyens de transport toujours plus technologiques et numériques

Même si le numérique permet de réaliser certaines activités en distanciel (télétravail, e-commerce, téléconsultation, etc.), il contribue également à l’augmentation des mobilités. La principale raison : l’opportunité de rencontrer de nouvelles personnes en ligne et de découvrir de nouvelles activités et de nouveaux lieux. De là, nous ne sommes qu’à quelques clics de la réservation : les kilomètres parcourus augmentent sous l’effet d’une hausse des voyages à longue distance, en particulier pour l’aérien, et d’une recherche constante de vitesse dans les déplacements. La voiture individuelle garde une place centrale, malgré l’essor de véhicules autonomes partagés. La voiture et les transports deviennent aussi de plus en plus automatisés et connectés, tandis que les progrès importants sur les batteries facilitent le passage à l’électrique des différents types de véhicules.

+39 % de kilomètres

au total parcourus et énergie à 86 % décarbonée.

Levier le plus sollicité : l’intensité carbone de l’énergie.

Il est important d’agir conjointement et rapidement sur les cinq leviers de décarbonation. Et cela prend du temps de modifier des comportements et d’investir dans des solutions novatrices.

Stéphane Barbusse, coordinateur prospective, Service Transports et Mobilité à la Direction Villes et Territoires durables de l’ADEME.

Les 5 leviers pour réduire les émissions des transports

  1. La modération de la demande de transport (réduction du nombre de kilomètres parcourus)
  2. Le report modal vers les modes peu carbonés (transports en commun routiers ou ferroviaires et modes actifs comme la marche et le vélo)
  3. L’optimisation du remplissage des véhicules (covoiturage)
  4. L’amélioration de la consommation énergétique des véhicules (électrification, allégement des véhicules et réduction de la vitesse)
  5. La décarbonation de l’énergie utilisée (électricité, biogaz, biocarburant et hydrogène)

Quels impacts sociétaux ?

Tous les scénarios « Transition(s) 2050 » engendrent à terme une hausse de l’activité économique, y compris les deux scénarios les plus sobres (S1 et S2). Ils ont un impact positif sur l’emploi, notamment dans les secteurs liés aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Par ailleurs, ils transforment de manière profonde nos modes de vie avec une diminution de la consommation de biens manufacturés dont l’impact carbone est élevé et une augmentation des achats de produits et services moins intensifs en carbone.